Des changements majeurs sont apportés à la R&D et au CDAE.
Le ministère des Finances du Québec Eric Girard a prononcé son discours sur le budget 2025‑2026 le 25 mars 2025. Dans un contexte de turbulences politiques, commerciales et diplomatiques, le Québec mise notamment sur des mesures d’aide fiscales visant à augmenter la capacité des entreprises à innover et à commercialiser. Ainsi, le gouvernement prévoit 604,1 millions de dollars sur cinq ans pour : stimuler l’innovation et sa commercialisation par un régime d’aide fiscale renouvelé; favoriser l’innovation dans des secteurs stratégiques; moderniser les services publics pour en accroître l’efficacité; et aider les PME à fort potentiel.
Des changements significatifs sont notamment apportés aux mesures d’aides à la Recherche et au Développement qui se voit globalement bonifié et au programme de développement pour les affaires électroniques (CDAE) qui se réoriente vers l’intégration de l’Intelligence Artificielle dans les processus commerciaux des entreprises. Nous présentons ici les principales mesures liées à la RS&DE et au CDAE.
1. Nouveau crédit d’impôt pour la recherche, l’innovation et la commercialisation (CRIC)
Ce nouveau crédit remplacera huit mesures fiscales à savoir les quatre crédits d’impôt à la R-D (Crédit salaires R&D, recherche universitaire, recherche précompétitive en partenariat privé et recherche pour les cotisations et droits versés à un consortium de recherche), le crédit d’impôt pour le design (volet design industriel), le crédit d’impôt pour services d’adaptation technologique et des deux congés d’impôt visant l’embauche de chercheurs et d’experts étrangers.
Le crédit d’impôt Salaires R&D qui offrait, en complément au crédit fédéral RS&DE, un taux variant de 14% à 30% des dépenses admissibles (salaires R&D, 50% contrat de sous-traitance R&D) est donc remplacé par le CRIC qui couvrira non seulement les dépenses admissibles de R&D mais également les dépenses de pré-commercialisation.
Les activités dites de pré commercialisation incluront notamment les activités visant à satisfaire les exigences réglementaires nécessaires pour obtenir une homologation ou une certification en vue de la mise en marché d’un produit. Les activités de design de produits seront également considérées comme des activités de précommercialisation. Cependant, ces activités devront être réalisées en continuité avec des activités de R-D effectuées au Québec.
Le crédit R&D pour la recherche universitaire est remplacé par le CRIC pour les dépenses (50%) relatives à un contrat conclu avec une université, un centre de recherche public ou un consortium de recherche.
Le crédit recherche précompétitive en partenariat privé est également remplacé par le CRIC et prévoit les mêmes types de dépenses citées plus haut.
Le crédit recherche pour les cotisations et droits versés à un consortium de recherche, de même que les congés fiscaux pour chercheurs et experts étranger sont quant à eux abolis.
Le CRIC sera remboursable (quel que soit le type d’entreprise) et prévoit donc :
- Taux de 30 % sur le premier million de dollars de dépenses admissibles qui excède le seuil d’exclusion (cette limite de 1 M$ devra être partagée entre les sociétés d’un groupe de sociétés associées).
- Taux de 20 % pour les dépenses admissibles au-delà de 1 M$
- Seuil d’exclusion, qui correspond au plus élevé de :
- la somme du montant personnel de base du régime d’impôt des particuliers applicable pour chaque employé, ajusté en proportion de son temps consacré à la réalisation d’activités de R-D et de pré-commercialisation
- 50 000 $
- Dépenses admissibles pour des travaux de R-D ou de pré-commercialisation :
- salaires
- 50 % du coût d’un contrat conclu avec un sous-traitant ayant des employés situés au Québec (ex. : université)
- Les dépenses en capital relatives à l’acquisition de biens*
*Les biens en capital acquis dans le cadre des activités de R&D ou de pré commercialisation devront être neufs et utilisés uniquement au Québec, à 90 % ou plus, dans le cadre d’activités de R&D ou de pré commercialisation, pendant au moins 730 jours consécutifs suivant le début de son utilisation. Dans le cas contraire, un impôt spécial sera applicable. Le CRIC ne pourra être demandé à l’égard des biens utilisés ou acquis dans le cadre d’un grand projet d’investissement donnant droit à un congé fiscal.
**Les montants d’aide, qu’ils soient gouvernementaux ou non, attribués à des dépenses relatives à des activités de R&D ou des activités de pré commercialisation réduiront l’assiette de dépenses admissibles. Néanmoins, les crédits d’impôt à l’investissement fédéral ne constitueront pas une aide gouvernementale pour les fins du CRIC.
- Interaction du CRIC avec le crédit fédéral RS&DE
Le CRIC permettra de soutenir les salaires des entreprises au-delà du stade de la RS&DE, tandis que l’inclusion des dépenses d’équipement encouragera l’acquisition de technologies et d’actifs productifs utilisés dans les activités de R-D ou de pré-commercialisation. Étant donné que ces dépenses ne sont actuellement pas admissibles au crédit d’impôt pour la RS&DE du gouvernement fédéral, l’aide du CRIC qui leur est associée n’affectera pas le montant de l’aide fiscale fédérale. En ce qui concerne les dépenses de salaires de R-D, une entreprise pourra continuer à cumuler les deux crédits d’impôt (fédéral et provincial).
A noter que l’adoption des mesures d’améliorations du crédit fédéral RS&DE présentées à l’automne 2024 reste incertaine, en raison de la prorogation du Parlement fédéral jusqu’au 24 mars 2025, qui suspend les travaux entourant les projets de loi en cours et à venir. Ces améliorations comprenaient notamment le rétablissement de l’admissibilité des dépenses en capital, l’augmentation du plafond des dépenses donnant droit au taux bonifié, passant de 3 millions de dollars à 4,5 millions de dollars, l’élargissement de l’admissibilité au crédit d’impôt bonifié aux sociétés publiques canadiennes et l’augmentation des seuils de capital imposable s’appliquant au plafond des dépenses donnant droit au taux bonifié.
Nous en saurons plus lors de la présentation du prochain budget fédéral.
- Entrée en vigueur du CRIC
Le nouveau régime d’aide fiscale à l’innovation entrera en vigueur pour les années d’imposition des sociétés qui commencent après le 25 mars 2025. Les crédits d’impôt abolis pourront être réclamés pour les années d’imposition des sociétés ayant débuté au plus tard le jour du discours sur le budget.
2. Remplacement du CDAE par le CDAE intégrant l’intelligence artificielle (CDAEIA)
Depuis sa mise en place en 2008, le CDAE a soutenu principalement les activités liées à la conception et au développement de systèmes informatiques et de logiciels. Cependant, les services et solutions en TI ont évolué rapidement ces dernières années, notamment avec l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans les processus d’affaires des entreprises.
Certaines activités soutenues par le CDAE sont considérées à trop faible valeur ajoutée et pour encourager des activités de TI à plus forte valeur ajoutée et concentrer l’aide fiscale sur l’IA, le gouvernement prévoit de remplacer le CDAE, à compter des années financières débutant après le 31 décembre 2025, par le crédit d’impôt pour le développement des affaires électroniques intégrant l’intelligence artificielle (CDAEIA).
Voici les nouveaux critères du CDAEIA
Sociétés admissibles | Sociétés spécialisées en TI ayant un établissement au Québec, un minimum de 6 employés admissibles et qui respectent les trois critères de revenus bruts suivants :
– 75 % de son revenu brut doit provenir du secteur des TI * Pour satisfaire au critère relatif aux activités, une société doit démontrer qu’au moins 75 % de son revenu brut provient d’activités admissibles selon le sens donné par la Loi, et qu’au moins 50 % de ses revenus bruts provenant d’activités comprises dans quatre codes SCIAN spécifiques : – 511210 (éditeurs de logiciels); Les activités de traitement de données, d’hébergement de données et de services connexes, comprises dans le groupe décrit sous le code SCIAN 51821, seront ajoutées à la liste des codes SCIAN permettant de respecter le test de 50 %. ** Pour satisfaire au critère relatif aux services fournis, la société doit démontrer que 75 % du revenu brut provenant d’activités comprises dans les quatre codes SCIAN spécifiques se rapporte soit à : – Des services dont le bénéficiaire ultime est une personne non liée à la société; Les activités de traitement de données, d’hébergement de données et de services connexes seront également ajoutées comme activités admissibles considérées dans l’analyse du critère relatif aux services fournis. |
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Activités admissibles | Principalement liées aux affaires électroniques qui intègrent des fonctionnalités d’IA de manière significative et qui portent sur :
– le service-conseil en Tl (tant qu’il se rapporte aux deux autres activités listées ci-après) lié à la technologie, au développement de systèmes ou aux processus et solutions d’affaires électroniques La définition d’une activité admissible sera limitée de manière à ce que, pour l’application de l’attestation employé, l’activité soit principalement liée aux affaires électroniques intégrant des fonctionnalités d’IA de manière significative. Autrement dit, une activité sera considérée comme principalement liée aux affaires électroniques intégrant des fonctionnalités d’IA de manière significative lorsque les tâches effectuées par l’employé sont principalement liées aux affaires électroniques et concernent un mandat, un projet ou un produit intégrant des fonctionnalités d’IA de manière significative. |
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Dépenses admissibles | Salaires qui excèdent un seuil d’exclusion par employé admissibles correspondant au montant personnel de base du régime d’imposition des particuliers (18 571$ en 2025 et indexé annuellement). Les employés admissibles doivent être à temps plein et consacrer au moins 75% de leur temps à la réalisation d’activités admissibles, à l’exclusion des salaires relatifs à certains contrats gouvernementaux. |
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Taux de crédit | 2025 | 2026 | 2027 | 2028 | |
Crédit d’impôt remboursable | 23% | 22% | 21% | 20% | |
Crédit d’impôt non-remboursable | 7% | 8% | 9% | 10% |
- Cas particulier des filiales de sociétés étrangères
Pour être admissible au CDAEIA, une société ne pourra réaliser des activités en TI au bénéfice de son groupe de sociétés. Cependant, dans le cas d’une filiale d’une société étrangère qui rendra des services en TI au bénéfice de sa maison mère, ces services pourront être admissibles au CDAEIA à certaines conditions, de façon similaire à la situation actuelle avec le CDAE.
Ainsi, l’attestation de société devra indiquer la proportion du revenu brut provenant des codes SCIAN 511210 (éditeurs de logiciels), 51821 (traitement et hébergement de données et services connexes) et 541510 (conception de systèmes informatiques et services connexes), attribuable à des services relatifs à une application utilisée exclusivement à l’extérieur du Québec par un bénéficiaire ultime lié à la société. Cette proportion devra également être indiquée pour les activités comprises dans les codes SCIAN 561320 (location de personnel suppléant) et 561330 (location de personnel permanent), attribuable à des services fournis relatifs aux activités des trois codes SCIAN mentionnés précédemment. Lorsque l’une de ces proportions représente au moins 50 % du revenu brut d’une société, le taux du crédit sera réduit de moitié pour cette année d’imposition.
- Entrée en vigueur du CDAEIA
Ces modifications seront applicables à une année d’imposition débutant après le 31 décembre 2025. Ceci étant dit, une société peut choisir de les appliquer à une année débutant après le 25 mars 2025, en soumettant ce choix par écrit à Investissement Québec dans les délais prescrits (avant le neuvième mois suivant la date limite de production de sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition concernée).
3. Offensive de transformation numérique
Le gouvernement annonce 14,0 millions de dollars sur trois ans afin de poursuivre l’OTN, initiée en 2020 et visant à encourager les entreprises à hausser leur productivité grâce à des investissements visant l’automatisation, l’intégration de l’intelligence artificielle dans leurs activités et le passage au numérique.
4. Soutien des fournisseurs québécois de l’industrie électrique
Lancé en 2022, le Projet d’approvisionnement stratégique québécois électrique (PASQE) a permis de soutenir des projets qui ont accru la capacité d’entreprises québécoises à produire divers composants nécessaires au secteur hydroélectrique afin notamment de remplacer des équipements et des composants critiques importés pour la production et le transport d’électricité. Le gouvernement prévoit 7,0 millions de dollars sur deux ans pour prolonger et bonifier l’initiative, qui deviendra PASQE 2.0, afin d’améliorer la chaîne d’approvisionnement et de favoriser les retombées économiques au Québec.
5. Favoriser la concrétisation de projets d’exportation
Le gouvernement prévoit 15,8 millions de dollars sur deux ans pour favoriser la concrétisation de projets d’exportation. Cette somme permettra :
- de soutenir les organismes régionaux de promotion des exportations (ORPEX) qui accompagnent les entreprises dans leurs projets d’exportation, de diversification des marchés ou qui favorisent l’attraction d’investissements directs étrangers;
- d’accorder 2 millions de dollars additionnels par année sur deux ans à Investissement Québec pour accompagner des entreprises québécoises dans leur effort de diversification dans le reste du Canada et à l’international.
Les mises à jour liées à l’innovation, la R&D, la commercialisation et les affaires électroniques annoncées représentent une amélioration significative pour les contribuables engagés dans ces activités. Plus de précisions seront apportées au cours des prochains jours.
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